Coin de table numéro huit. (Q.E.D.)

Ecrire un commentaire


Ecrit par : LH
Le : mercredi 19 août à 01 heures 03 minutes et 57 secondes.

Putain sérieusement ta gueule toi.


Ecrit par : Funram
Le : dimanche 16 août à 01 heures 15 minutes et 47 secondes.

Et Polygone, non, pardon, Antigone, suicide dramatique ou tragique ?

Et Eugène Rougon ?


N° : 46, Le lundi 27 juillet à 10 heures 49 minutes et 47 secondes.




05:22:11

Je sais vraiment plus quoi foutre de ma vie. Presque un an que ça dure. Au bout du compte, entre les tenants et aboutissants d'un drame sentimental et d'une tragédie grecque, y a peu de choses. Quand tu te fais détruire par quelqu'un, t'es tout autant condamné que si l'ordalie divine ou la loi ou les princes ou une princesse t'envoyait au feu, et une princesse t'envoie vraiment au feu ; mais un feu métaphorique, et à perpétuité, sans mise à mort, sans gloire, et sans même le droit à la plainte tragique. Parce que c'est moche, une plainte en drame ; ça devient de petits cris geignards. Même plus le droit à la grandeur. Démoli, et désarticulé comme un gnou qui courait et à qui t'as flanqué un coup de planche en pleine course et en pleine gueule. Cassé, pourri de partout, et condamné aux lamentations intérieures et aux tortures mentales et aux crises d'angoisse. D'ailleurs j'y retourne.


05:57:30

Ce qui fait qu'au fond, la différence entre le drame et la tragédie tient seulement à une géographie des causes. Cause hors du territoire du moi et supérieure à lui, tragédie. Cause incluse dans le territoire du moi ou assimilée à lui, drame. Dès lors la tragédie est météorologique, et le drame, tectonique ou géologique. Des météores enflammés et éclatants d'un côté, des explosions, un vacarme de fin du monde, et de l'autre, des cailloux usés. Et de la poussière, et des étangs putrides qui dégazent du méthane ou du dioxyde de carbone.

Et l'histoire découle de leur géographie. La tragédie, instantanée autour du moment critique ; le drame, lent et lancinant, et terne, et pulsatile.

Et le drame fait dire des trucs dont tout le monde se branle.
aussi


10:14:29

Ou bien c'est une question de contamination. Le drame est soit viral, soit même tumoral ; un contact ou même un frôlement, une radiation, un individu jusque là anodin qui passe à proximité du malade, et le voilà contaminé, alors que le sujet qui l'a contaminé s'en va, sans culpabilité aucune et persuadé d'avoir bien agi et, peut-être, n'ayant commis aucune faute consciente. La tragédie ne permet aucune pénétration, elle ne fait pas traverser les frontières des sujets, elle n'autorise pas les développements du mal a posteriori, elle ne laisse pas malade ; elle explose, elle écrase, elle éclate immédiatement, la cause défonce le sujet, lui tartine proprement la face contre sol de marbre, mais toujours, la cause et le sujet restent des étrangers l'un à l'autre. En ce sens, la tragédie est propre, et profondément digne.

Non, j'ai pas dormi, et y a personne, alors je m'étends.
que ça à foutre
canon scié, bitte schön


10:28:47

En découle une analyse possible sous l'angle de la justice. Dans la tragédie, n'est coupable et pleinement coupable que la cause extérieure du mal (dieux, rois, lois, destinée, princesse), avec préméditation si conscience il y a, et avec la circonstance aggravante que la cause est d'un statut et d'un pouvoir supérieur, par essence, au sujet. L'affaire est simple, et le sujet, qui lutte du début à la fin, est une victime pure, apte à n'inspirer que la pitié (ou la terreur si elle sombre dans sa seule fuite, la folie et la démesure). Dans le drame, l'affaire est telle qu'on en voit dans les tribunaux humains : sale, complexe, indiscernable. S'il y a amour déchu, la cause a d'abord été celle d'un bien indiscutable et premier ; ensuite seulement, elle est devenue cause de malheur, par sa défaillance, avec circonstances aggravantes ou atténuantes (jugées telles ou telles selon la partie) ; mais surtout, ensuite, la culpabilité se partage, si l'on observe le référentiel centré sur le mal : il devient causé non par la cause première, mais par le sujet lui-même, ses atomes et sentiments contaminés, son cancer intérieur, ses ressassements auxquels il ne peut rien, sauf médication, et encore, sauf alcool, et encore.

A cet égard le suicide, qualifié communément de "fin tragique", relève bien plutôt du drame. La tragédie n'a que faire d'un sujet qui, sans aucune logique, se substituerait tout à coup à la cause de ses maux et s'ôterait la vie au lieu de lutter (puisqu'il est sain, lui, encore et toujours). La posture philosophique est imaginable, mais invraisemblable. Même les grands suicidés de l'histoire, "volontaires", les Cicéron ou les Cléopâtre ou les Antoine ou les Caton, se sont tués sous la contrainte, poliment arrêtée aux portes de la maison, de la ville ou du pays, et prêtes à fondre, et déjà actives en ce sens.
Le suicide est un acte d'une logique pure et cristalline, dans le drame, supprimant d'un même coup le sujet souffrant (et qui n'est pas ou plus forcément luttant), et la cause nouvelle, intérieure à lui-même, coupant donc le cercle vicieux et permettant l'accession à un nouvel équilibre des forces en présence, l'équilibre du zéro. Zéro coupable présent, zéro victime. Le suicide devient un acte très logiquement imbriqué dans le drame, quoique sans aucun aspect "dramatique", au sens faible ; bien plutôt, médical et, vraiment, logique.



Archives